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DON’T AGONIZE, ORGANIZE

Camille Thiry

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mon choix d’utiliser le support visuel n’est pas fortuit. Pour réaliser ces collages, j’ai découpé des morceaux de magazines, flyers et éléments visuels publicitaires de tous horizons. Ma volonté est d’utiliser un média qui joue avec les codes, diktats de la beauté et injonctions genrées. Ainsi, je n’ai pas hésité à sélectionner des visuels véhiculant l’image d’une femme sexualisée, soumise ou ridiculisée.  En jouant avec l’assemblage de ces fragments d’image, je me suis essayée au détournement de cette instrumentalisation du corps des femmes.

 

Très vite, l’amas de fragments visuels séjournant sur mon bureau est devenu encombrant. Les assemblages possibles étant infinis, je me suis retrouvée perdue dans mes ambitions. Cela n’est pas sans échos avec le rapport que j’entretiens avec les combats idéologiques. Ils sont multiples et la prise de conscience de leur abondance fait naître en moi un sentiment d’épuisement.

 

Comment à travers les images que je sélectionne, représenter les luttes et la multitude des  rapports d’oppression ? Qui épargner ? À qui m’adresser ? Suis-je légitime pour le faire, moi, individu universitaire blanche et de classe moyenne ? Le combat est-il sans fin ?

 

Ces questions envahissent ma réflexion et résonne avec l’expérience que je retire de ma participation au festival WowMen !. Ce faisant, j’ai décidé de refuser d’être effrayée par le travail des luttes qu’il reste à mener.  Ce qui est acquis n’est jamais irréversible. Je le sais. Tout en étant consciente que la route reste longue et semée d’obstacles en tout genre, j’éprouve l’envie de ne pas me perdre dans les désillusions. Dès lors, j’ai la conviction qu’il nous faut braver l’immobilisme. Tenir tête et fédérer semble être l’adage idéal pour optimiser les luttes.

 

Concrètement, j’ai minimisé le nombre de fragments visuels à coller ensemble. Décidant de faire fi de ma quête perpétuelle de minutie, j’ai opéré des choix radicaux. Pour chaque spectacle auquel j’ai assisté, j’ai réalisé un collage sobre et épuré. Il figure pour chacun d’entre eux un court texte rédigé au présent portant sur mon ressenti. Les phrases y sont brutes, brèves et directes.

 

 

HELENA DIETRICH & JANNEKE RAAPHORST - Elastic Habitat

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Comment vivre dans le corps que je reçois ? Comment y habiter ? À quoi ressemble la vie de mon nouveau corps en contact avec d’autres corps ?  Cette expérience immersive me fait vivre un temps suspendu de douceur. Mes sens sont en état d’ébullition par ces stimulations et ce contact avec la multitude de matières. Je suis épuisée par cette recherche permanente du contact et des tensions de nos propres identités. Revenir habiter notre corps initial devient troublant. Mes repères corporels ont changé. Je ressens en moi la transition de revenir à mon corps initial. J’ai l’occasion de laisser la place à ses sensations car je n’ai plus de repères temporels.  Ainsi, je suis maître de ma carapace corporelle et de son rapport à l’espace.

 

 

 

SAMIRA ELAGOZ - Cock, Cock … Who’s there ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Je suis témoin de l’affront de la violence par la violence de Samira Elagoz.  En toute surenchère, caméra à la main, elle contribue à l’élaboration d’un pied-de-nez au Slut Shaming. Son projet anéanti de manière frontale le sentiment de culpabilité souvent rencontré chez les victimes d’agression.  Je participe à la désacralisation du bout de viande auquel a été assimilé son corps. Sortant les dents et montrant les crocs, Samira Elagoz tente de se réapproprier son corps par le corps

 

 

JULI APPONEN Life is hard and then you die – part 3

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

           

 

Par sa lecture, Juli Apponen établit une distance aseptisée, presque chirurgicale.  Le malaise est évacué par le recul et le calme qu’elle arbore sur son vécu. On parcourt avec elle les catégories psychopathologiques et identités auxquelles elle est assignée. La douleur nous est présentée par un crayon perçant un organe de feuille blanche  A4 de papier. Cette souffrance devient palpable.

 

 

 

GLORIA WEKKER - White innocence

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Gloria Wekker m’apparaît comme une force tranquille. En messie de l’intersectionnalité, elle arbore un  calme qui défie toute agressivité. La force émane de cette femme qui a compris que la race est une fiction nuisible mais réelle dans ses conséquences. Si la race n’existe pas, le racisme, lui,  est encore bel et bien palpable aujourd’hui. Pour simple exemple, le mot « allochtonetje » contient un « je » excédentaire et symptomatique du rapport de force aussi ambiant qu’insidieux. Il importe de mettre de côté la culpabilité du blanc face à son passé impérialiste car il s’agit, selon elle, de l’attitude la moins productive.

 

 

 

LIGIA LEWIS - minor matter

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Trois performeurs poussent leur corps au-delà de leurs limites. Leurs mouvements sont disciplinés et défient l’épuisement. Luttent-ils ensemble ? Que combattent-ils ? Je m’interroge sur la visibilité de la marque de vêtements sportifs de compétition. Sont-ils les vainqueurs des règles de conduite qu’ils s’imposent ?

 

METTE INGVARTSEN - 21 Pornographies

 

 

 

 

 

 

                 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

J’assiste à 21 scènes pornographiques d’une violence insupportable. Je peine à refreiner  les images qui émanent de cette chorégraphie mentale. Je suis exposée, sans l’avoir voulu à la brutalité des images standardisées de la pornographie contemporaine.  Ce corps nu, lui aussi, est issu des prototypes standardisés. Il se brûle au danger.

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